12 octobre 2024
PROGRAMME
Les dimensions géographiques des séries – Saison 2
– Séance du 12 octobre 2024 –
Institut de géographie
191, rue Saint-Jacques – 75 005 – Paris
Séance coordonnée par :
Pierre Denmat, Doctorant en géographie, Université Paris Nanterre, LAVUE – équipe Mosaïques, Professeur de géographie en CPGE, Lycée La Bruyère, Versailles
Monica Michlin, Professeure en études américaines contemporaines, Université Paul Valéry Montpellier 3, UR 741 EMMA.
Marie-Laure Poulot, Maîtresse de Conférences en géographie, Université Paul Valéry Montpellier 3, UMR 5281 ART-Dev.
– PROGRAMME –
09h30 – 10h15 : Introduction
Pierre DENMAT, Agrégé de géographie, doctorant à l’Université Paris Nanterre, LAVUE (équipe Mosaïques), UMR 7218 ; Monica MICHLIN, Professeure en études américaines contemporaines, Université Paul-Valéry – Montpellier 3, UR 741 EMMA ; Marie-Laure POULOT, Maîtresse de Conférences en géographie, Université Paul-Valéry – Montpellier 3, Laboratoire ART-Dev – Acteurs, ressources et territoires dans le développement, UMR 5281.
« Dimensions géographiques des séries télévisées : quelles méthodologies d’études spatiales des séries télévisées »
Approches interdisciplinaires de l’espace urbain dans les séries (10h-13h)
Présidence : Edith FAGNONI
Professeure de géographie, Sorbonne Université, Laboratoire Médiations, sciences des lieux – sciences des liens, EIREST Université Paris1 Panthéon-Sorbonne (membre associé), Présidente de l’Association de Géographes Français (AGF).
10h15 : Saisir les séries
– 10h15 : Raimondo LANZA, Doctorant, École doctorale de géographie de Paris, UMR PRODIG, Université Paris1 Panthéon-Sorbonne.
« Le centre se moque des périphéries : les espaces urbains dans la série humoristique russe Kamedi Klab »
Résumé :
La communication entend montrer comment Kamedi Klab, la série humoristique la plus populaire de Russie1 , diffuse des imaginaires et des stéréotypes sur plusieurs villes russes. Depuis 2005, cette émission est enregistrée à Moscou et transmise une fois par semaine sur la chaîne nationale TNT appartenant à la société gazière Gazprom. Le matériel pour cette communication est tiré de ma recherche doctorale (commencée en 2023), qui porte sur les imaginaires géographiques et géopolitiques véhiculés par l’humour télévisé russe au cours des derniers vingt ans2 . Si la plupart des sketches de Kamedi Klab prennent pour cible différents pays dans le monde en utilisant la flatterie et la moquerie, au gré d’alliances ou de rivalités qui alternent au fil du temps, une part considérable des traits d’humour vise aussi Moscou et d’autres villes russes, pointant aussi du doigt entre autres les disparités économiques, sociales et culturelles au sein de leur population. Il ne s’agit pas ici de montrer comment les espaces urbains réels sont reproduits à la télévision russe, mais d’étudier comment ces espaces y sont imaginés et représentés. Moscou, centre politique et économique du pays, est la ville la plus souvent mentionnée (100 fois), dans un contexte international mondial mais aussi micro-locale (des rues, des quartiers, etc.). Les comédiens prennent pour cible d’un côté des quartiers de Moscou peuplés par les immigrés du Caucase et d’Asie centrale (Butovo mentionné 11 fois, Zhulebino 3 fois et Bibirevo, 5 fois) et réputés insalubres et de l’autre côté les rues habitées par des milliardaires (la rue Rublevka, mentionnée 12 fois).
Kamedi Klab diffuse des images stéréotypées déjà bien établies de certaines villes (Saint Pétersbourg – capitale culturelle, Souzdal et Kostroma – centres des traditions et folklore russes, Syzran – ville moche et triste, etc.). La série fait de l’humour à propos des mutations qui en traversent d’autres. Sotchi (mentionnée 15 fois), ville de Russie méridionale, est un exemple : lieu de villégiature depuis l’époque soviétique, en juillet 2007 la ville est choisie pour accueillir les Jeux Olympiques d’hiver 2014. Kamedi Klab participe à l’augmentation soudaine et spectaculaire de l’exposition médiatique de Sotchi tout en ironisantsurses mutations urbaines et sociales. Les comédiens qui jouent dans l’émission soutiennent le rôle international de Sotchi et sont fiers du prestige que cela donne à la Russie. Ils semblent minimiser les potentielles complications liées aux JO (climat chaud, tensions géopolitiques dans le Caucase etc.) On peut se demander si cet humour télévisé met en lumière la complexité et la diversité des réalités urbaines russes, ou s’il reflète et promeut principalement les intérêts d’un centre économique, politique et “ethnique” dominant une périphérie gigantesque, qui cherche son chemin entre stratégies de développement local et dépendance au centre tout-puissant.
11h : Les échelles spatiales et temporelles des mutations urbaines au prisme des séries
– 11h : Marie-Hélène CHEVRIER, Maîtresse de Conférences en géographie, Institut Catholique de Paris, membre de l’unité de recherche « Religion, Culture, Société » (EA 7403).
« De décor à quasi-personnage : l’intégration progressive de la ville au coeur de la fiction télévisuelle à travers l’exemple de la série Leverage (2008-2012) et de sa suite, Leverage Redemption (2020 – ) »
Résumé :
Dans certaines villes, les gens sont blasés par les tournages. A Portland, les gens nous apportent du lait et des cookies », affirme en 2010 le producteur et réalisateur américain Dean Devlin au magazine Oregon Business. Pourtant, Leverage, la série qu’il tourne à Portland au moment de cette déclaration met en scène une équipe d’arnaqueurs, « Robin des Bois des temps modernes », opérant à… Boston. Pour bien marquer cet ancrage territorial, le quartier général de l’équipe, filmé dans chaque épisode ou presque, est d’ailleurs un pub irlandais, censé être un marqueur de l’importance de la diaspora irlandaise caractéristique de la côte Est des Etats-Unis.
Comptant 5 saisons et 77 épisodes originels diffusés pour la première fois entre 2008 et 2012 puis une reprise (Leverage : Redemption) depuis 2020, Leverage constitue un exemple remarquable de série dans laquelle le territoire est passé de simple décor à prescripteur de l’intrigue. Après une saison pilote à Los Angeles (tournée in situ), le scénario délocalise donc ses héros à Boston, figurée à l’écran par Portland, durant trois saisons. La qualité de travail est jugée si bonne par l’équipe de la série que l’intrigue est adaptée pour justifier une relocalisation des personnages à Portland qui alors, dans une dernière saison, sera enfin filmée pour elle-même. Revenant sur les écrans en 2020, c’est désormais à la Nouvelle-Orléans qu’évoluent les personnages et que sont tournés les nouveaux épisodes, la ville et ses coutumes étant cette fois intégrés au scénario dès le début de la première saison.
Plusieurs éléments seront étudiés à travers le cas de cette série, dans une perspective diachronique permise par sa longévité. Tant par l’analyse de l’image que par celle du paysage sonore et de la musique, nous nous intéresserons à la manière dont une ville peut devenir la doublure d’une autre (sorte de « faux authentique » tel que défini par D. Brown ?), processus habituel au cinéma mais sans doute moins fréquent dans les séries, qui impliquent de faire durer l’illusion plusieurs années.
Nous mettrons également en lumière la manière dont, ici, l’ancrage territorial est devenu progressivement prescripteur de l’intrigue. Serait-ce le reflet d’un « tournant spatial » dans la fiction ? Cela témoigne pour le moins d’une évolution dans les représentations : Portland, d’abord négligée, devient soudain un territoire méritant d’être médiatisé, tandis que la Nouvelle-Orléans et l’imaginaire qu’elle convoque sont utilisés pour attirer de nouveaux spectateurs lors de la reprise de série. Cela nous amènera à réfléchir à la relation dialectique entre ville et production audiovisuelle.
– 11h45 : Pierre Denmat, Agrégé de géographie, Doctorant à l’Université Paris Nanterre, laboratoire LAVUE (équipe Mosaïques).
« Faire ville à partir d’un corpus : les dynamiques urbaines new-yorkaises en action dans les séries »
Résumé :
Les séries télévisées font l’objet de nombreuses réflexions de la part des géographes depuis une décennie. Toutefois, aucune méthode d’analyse en géographie n’a été formalisée jusqu’à présent. Bien souvent, les études proposent une analyse d’une série et empruntent donc un angle d’analyse propre aux études cinématographiques. Cette communication propose une méthodologie qui repose sur une analyse d’un corpus de séries permettant d’analyser une ville et ses différents quartiers en s’appuyant sur des recherches doctorales. Il s’agit d’entrer par l’espace et non par la série afin de proposer une autre façon d’aborder les séries en géographie. À partir d’un corpus permettant de « reconstituer » la ville et ses différents quartiers, cet article propose une étude de la métropole new-yorkaise de façon globale. Il s’agit d’analyser les différentes dynamiques urbaines qui sont mises en scène, parfois sur le temps long au fil des saisons, tout en critiquant les choix de focalisation. Il sera ainsi question d’étudier les modalités d’écriture de la ville par les séries.
12h30 -13h30 : Pause déjeuner
13h30-15h : Les réceptions des représentations spatiales des séries télévisées
– 13h30 : Natacha GOURLAND, Maîtresse de Conférences en géographie, Université Évry-Val-d’Essonne, Laboratoire IDHES, rattachée au Lab’Urba et au groupe de travail Justice, Espace, Discriminations, Inégalités (groupe JEDI) du labex Futurs Urbains.
« Passer et filmer de l’autre côté du périph. Les représentations de la banlieue parisienne à travers deux séries françaises : « En place » et « 66.5 » »
Résumé :
La banlieue parisienne est un espace fréquemment stigmatisé dans les discours médiatiques et politiques qui la réduisent au traitement de certaines thématiques comme l’immigration, la rénovation urbaine ou l’insécurité. Cette vision englobante de « la » banlieue a des conséquences sur la manière dont les habitants de cet espace hétérogène sont représentés dans la majorité des productions culturelles. Plusieurs travaux récents ont ainsi dénoncé la stéréotypisation utilisée par des observateurs extérieurs pour décrire et filmer « la » banlieue, ses corps et ses lieux, la réduisant à un espace du moins, du manque, de la marginalisation (Niang, 2019, Schafran, et al, 2017 ; Guillard, 2016 ; Sedel, 2009). Prenant acte de ce constat, la présente proposition de communication cherche à analyser la portée et les modes de représentation de la banlieue populaire dans deux séries récentes ayant pris pour cadre la ville de Bobigny, en Seine-Saint-Denis : « En place », série politique et humoristique diffusée par Netflix en 2023 et « 66.5 », fiction judiciaire dramatique produite par Canal+ et diffusée la même année. Ces deux séries ont bénéficié d’une couverture médiatique importante lors de leur sortie et même d’un réel succès pour « En place » qui cumule plus de 16 millions d’heures de visionnage sur la plateforme Netflix (source : Netflix Engagement Report, 2023). Dans « 66.5 », le personnage principal et féminin de Roxanne (incarné par Alice Isaaz) figure une avocate quittant son cabinet parisien pour d’exercer au tribunal de grande instance de Bobigny, sa ville natale. Le cadre bascule de l’appartement haussmannien de Roxane aux barres d’immeubles de Bobigny pour nous permettre de suivre le récit de cette transfuge de classe, son retour en banlieue et le regard qu’elle pose sur cette ville qu’elle a quitté. À l’inverse, le héros de la série « En place » habite Bobigny, y exerce depuis plusieurs années en tant qu’éducateur jeunesse en MJC et n’est amené à quitter la ville que par une succession d’évènements le conduisant à s’engager en politique. En filmant les parcours d’une femme et d’un homme noir se mobilisant professionnellement « de l’autre côté du périph », ces deux séries abordent la question de la visibilité des vécus banlieusards sur le petit écran.
Quel regard ces deux productions portent-elles sur la ville de Bobigny et comment travaillent-elles l’imaginaire géographique de la banlieue ? Quels rapports sociaux de domination et quels rapports à l’espace se manifestent dans le parcours des personnages filmés ? Enfin, ces deux séries permettent-elles de rendre visible certaines pratiques et certains récits, ou reproduisent-elles au contraire certaines assignations ?
Après avoir analysé les lieux de tournage utilisés dans ces deux séries et les choix qu’ils révèlent pour représenter la banlieue parisienne depuis Bobigny, il s’agira d’interroger les pratiques spatiales qui ressortent des deux intrigues. Le point de vue des personnages de banlieusard.e.s portés à l’écran sera ensuite examiné, afin de questionner ce que révèle leurs trajectoires fictives des rapports de classe, de genre et de race qui influencent l’inégale appropriation de la petite couronne parisienne. Enfin, la réception de ces deux séries et les réactions qu’elles ont provoqué seront analysées, pour interroger ce qu’elles révèlent de la (dé)construction des stéréotypes et des débats politiques autour de la petite couronne parisienne.
– 14h15 : Benoît Bunnik, Professeur agrégé à l’INSPE de Corse, Docteur en didactique de la géographie, Laboratoire EMA, Cergy Paris Université.
« Faire territoire dans une petite ville des États-Unis à travers l’exemple deThe Society »
Résumé :
En 2019, la première saison (jusqu’à présent sans suite) de la série The Society montre comment un groupe d’adolescent.e.s se trouvent bloqué.e.s seul.e.s dans leur petite ville de West Ham (Connecticut, États-Unis). La série a été créée par Christopher Keyser et diffusée le 10 mai 2019 sur Netflix.
Un décompte minuté des lieux où se déroulent l’action fait apparaître, par le découpage des séquences (Amile et al., 2016), une ville insulaire (Bidou-Zachariasen et Giglia, 2012 ; Bonnemaison, 1990) semblable à la ville du Truman Show (Peter Weir, 1998), elle-même pensée en archipel où automobiles comme institutions publiques (police, justice, école) sont étrangement quasiment absentes. Sans entrer dans le détail des habitats (chambres, salons, salles de bain, …), cette représentation de la little town nord-américaine (Tovar, 2011 ; Férérol,2023) montre un territoire organisé par des « hauts lieux » (Debarbieux, 2003) que sont l’église, la mairie-bibliothèque, le lycée, l’hôpital ou le supermarché.
Ces 225 jeunes des deux sexes quasiment exclusivement blancs de 17 ans, quelques mois avant de partir à l’université, se trouvent bloqués par une forêt impénétrable et dangereuse figurant explicitement la wilderness (Thoreau, 1854 ; Arnould et Glon, 2006 ; Glon, 2006). Réfugiés dans cet isolat qui oscille entre cocon et prison, comme les enfants de Sa majesté des mouches (Golding, 1954) ou comme Robinson Crusoé (Defoe, 1719), ces jeunes adultes découvrent comment faire société (Donzelot, Mével, Wyvekens, 2003) et faire des choix politiques entre socialisme, libéralisme et autoritarisme afin d’organiser la survie du groupe.
Au-delà de ces réflexions sur ce qui fait territoire ou ce qui fait société, cette série interdite aux moins de 16 ans peut servir de base à un travail universitaire ou scolaire en géographie (Denmat, 2018) pour expliquer comment une série participe à une écriture de l‘espace (Pleven, 2015) et comprendre la société nord-américaine par l’analyse d’un espace diégétique (Gardies, 1993) particulier, celui d’une périphérie de la mégalopole du nord-est des États-Unis (ou BosWash), son mode de vie basé sur une consommation hors-sol (ce n’est que lorsque les vivres manquent que la question de leur production se pose) et sur les loisirs (sport, soirées, jeux vidéos, discussions entre pairs, utilisation des réseaux sociaux étrangement toujours actifs mais réduits aux seuls habitants de la ville) où le travail est absent de la little town périurbaine figurant aussi implicitement une gated communauty inscrite dans un territoire rural sans paysans ni autre forme de production. Une réflexion qui s’appuie également sur les travaux de Jacques Lévy (2013) sur l’espace au cinéma visant à « montrer l’invisible par le visible, en n’oubliant pas que ce n’est jamais tout à fait possible. »
Une étude qui doit prendre en compte deux éléments : celui de la longue durée de la série (dix épisodes de 48 à 61 minutes) mais aussi celui de moments plus brefs, des séquences choisies montrant ces hauts lieux et participant de la construction des représentations, comme l’église, lieu central car créateur de commun.
15h00 : Conclusion de la journée
15h30 : Fin des travaux
Modalités : Intervention 30 minutes et 15 minutes d’échanges
9Mars 2024
Les Paris des Jeux !
Géographie olympique et sportive.
– Hommage à Jean-Pierre Augustin –
– Cadrage –
Les Jeux Olympiques sont à la fois un théâtre géopolitique,une scène médiatique et une célébration du sport moderne, c’est-à-dire au plan géographique une traduction visible de la mondialisation (Augustin, 2007) et de la « mise en limite de l’activité physique » (Gay, 1997).
Du 26 juillet au 11 août 2024, la France va organiser pour la troisième fois – après 1900 et 1924- les Jeux Olympiques d’été dans le cadre d’un système olympique moderne dont elle est à l’origine sous l’impulsion d’un acteur dont l’oeuvre et l’itinéraire ont été maintes fois étudiés, le baron Pierre de Coubertin (MacAloon, 1981 ; Young, 1996). Plusieurs études ont également montré l’implication particulière des responsables sportifs ou politiques français dans le développement des Jeux Olympiques d’hiver, des Jeux Paralympiques ou d’autres évènements dont le projet des Jeux Olympiques de Printemps, le Festival olympique de la jeunesse européenne ou plus récemment des Jeux Olympiques de la Jeunesse.
Il n’est pas possible d’étudier le sport moderne sans comprendre le système olympique et dans le même temps étudier le mouvement olympique, c’est indissociablement étudier le sport moderne. Selon la formulation, certes datée, d’Elias et Dunning (1994) « Pour se faire une idée correcte de n’importe quel peuple, il est absolument nécessaire d’étudier les loisirs et les sports que ce peuple affectionne le plus. […] La connaissance du sport est la clef de la connaissance de la société ». Autrement dit, cette géographie des pratiques de compétition corporelle
institutionnalisées, c’est-à-dire des pratiques dites sportives, est de toute première importance po comprendre nos sociétés.
Dans le cadre de cette Journée portée par l’AGF, il s’agit d’interroger les Jeux Olympiques modernes comme élément central, structurant et symbolique du système sportif, comme système de représentation, d’organisation et de pratiques dans l’espace, mais aussi de se situer dans les questionnements très actuels à propos des Jeux dans leur rayonnement et leur héritage.
– Programme –
9h30
Ouverture
Edith FAGNONI, Professeure, Sorbonne Université, Présidente de l’Association de Géographes Français (AGF)
Introduction
Les Paris des Jeux ! Géographie du sport et du phénomène olympique.
Hommage à Jean-Pierre AUGUSTIN, géographe, collègue et ami
André SUCHET, Olivier BESSY & Christophe GIBOUT
10h – Approches globales
Présidence de séance : Edith FAGNONI
Professeure, Sorbonne Université
- Étudier le sport, mais par quels styles de géographies ?
Régis Keerle, Maître de Conférences, UMR CNRS ESO, Université Rennes 2
Un hommage à un auteur ne doit pas empêcher de souligner ses divergences d’avec ses pairs. Il est pourtant difficile de clairement diverger de l’auteur Jean-Pierre Augustin, peut-être du fait de sa multipositionnalité, dont les positions de géographe et de spécialiste de l’animation sociale et socioculturelle. Mais de quel auteur s’agit-il justement ? D’un signataire individuel ou collectif ? De l’auteur de 2023 ou de celui de 1983 ? En tenant compte de ces paramètres, on exhibera ici quelques unes
de nos divergences avec Jean-Pierre Augustin, qui permettront de proposer un autre regard géographique sur le phénomène sportif. Cette proposition visant in fine à expliciter la diversité des styles de géographies s’intéressant au sport.
- Les résultats Olympiques, cartographie d’un nouvel ordre mondial ? Étude cartographique et comparative
Grégory MARTIN, Chargé d’étude cartographie et SIG, La Fabrique de Bordeaux Métropole, Maître de Conférences associé, UMR CNRS 5319 PASSAGES, Université Bordeaux Montaigne
Les Jeux Olympiques 2024 vont se dérouler à Paris entre le 26 juillet et le 11 août et devraient apporter une visibilité particulière à de nombreux athlètes du monde. Cette vitrine offre un terrain d’exercice aux volontés politico-sportives des pays d’un nouvel ordre mondial. Une étude cartographique et comparative peut ainsi être menée à partir des résultats aux Jeux Olympiques dans plusieurs disciplines (épreuves) et tentera de faire apparaître d’un point de vue géographique si des tendances mais aussi des particularités se dessinent.
- Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, un miroir de notre société hypermoderne, entre illimitisme et illusionnisme
Olivier BESSY, Professeur, Université de Pau et des pays de l’Adour, UMR-CNRS TREE
Dans la complémentarité du dernier livre de J-P Augustin et P. Gillon (2021), cette communication se donne pour objectif d’éclairer en quoi la célébration planétaire olympique est le miroir convexe de notre société hypermoderne. Nous illustrerons notre propos en prenant l’exemple des Jeux de Paris 2024 qui incarnent plus que jamais en ce début de troisième millénaire les valeurs de performance, de mondialisation, de démesure, de spectacularisation et d’illimitisme, chères à l’hypermodernité capitaliste. Notre monde d’aujourd’hui apparaît encore fasciné par ces Jeux Olympiques, comme si leurs excès en tout genre correspondaient à une fiction mondialisée synonyme d’utopie génératrice dans un monde en tension, mais aussi de réminiscence hypermoderne des antiques jeux du cirque considérés comme un véritable opium du peuple.
- La dimension spatiale des Jeux olympiques : d’un modèle localisé à un modèle régional
Anna Maria PIOLETTI, Professoressa associata, Università della Valle d’Aosta
Valerio DELLA SALA, Visiting Lecturer, Olympic Studies Centre, Universitat Autonoma de Barcelona
À la suite des travaux de Kaspar (1998), Bondonio, Guala & Mela (2008), Crivello, Dansero & Mela (2006), Dansero & Mela (2012) à propos des événements sportifs en zone urbaine et des villes olympiques, cette communication traitera de l’évolution des organisations olympiques urbaines (avec notamment le COJO…) vers une organisation par une région. Les résultats de nos investigations montreront combien l’événement olympique apparaît un élément clé dans la planification des infrastructures régionales, du système de transport, des services et du logement dans les zones régionales concernées.
- Les initiations aux situations de handicap dans le contexte des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, approche de géographie culturelle
Florie BRESTEAUX, Assistante et doctorante, Institut universitaire de formation pour l’enseignement, Université de Genève
Dans le contexte des Jeux Olympiques et paralympiques de Paris 2024, les initiations aux situations de handicap ou disability simulation se multiplient dans de nombreux lieux, les places publiques ou l’espace scolaire, au nom d’une inclusion portée par le méga-événement. L’expérience du handicap par les enfants dits valides, comme ressource inclusive de premier choix, doit pourtant fait l’objet d’un questionnement, au regard des apports contemporains d’une géographie du sport, et par le croisement des disability studies critiques et de la géographie culturelle.
12h 30 à 14h – Pause déjeuner
14h – Dynamiques locales
Présidence de séance : Jean RIEUCAU
Professeur émérite, Université Lumière Lyon 2
- Les enjeux de distance dans l’organisation d’une épreuve des Jeux Olympiques et Paralympiques. Le cas des épreuves de surf 2024 à Teahupo’o en Polynésie française
Marie DELAPLACE, Professeure, Université Gustave Eiffel, Lab’Urba, ORME
Vincent DROPSY, Professeur, Université de la Polynésie française, CETOP-GDI
Sylvain PETIT, Professeur, Université Polytechnique des Hauts de France, LARSH
Mondher SAHLI, Associate Professor, Victoria University of Wellington (New Zealand)
Les épreuves de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024 doivent se dérouler du samedi 27 au mardi 30 juillet 2024 en Polynésie française, considérée comme le berceau du surf, à 16 000 kms du village olympique et plus de 20 heures d’avion de Paris et de surcroît à 1h30 en voiture de la capitale Papeete.
Alors que le choix de Teahupo’o semblait prometteur d’un point de vue sportif, symbolique et politique, il a été remis en question à moins de huit mois des Jeux. La communication propose une analyse en termes de distance géographique mais aussi culturelle des difficultés récentes concernant l’organisation de ces épreuves de surf à Teahupo’o.
- Le renouvellement urbain de la Seine-Saint-Denis 2024 : entre concertation et opposition aux Jeux Olympiques Paralympiques
Alexia GIGNON, Doctorante en CIFRE à la Ville de Paris, Lab’Urba, Université Gustave Eiffel
À l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), qui se tiendront en 2024 dans la capitale mais aussi en Seine-Saint-Denis, les débats autour de l’organisation sont toujours présents. Décidés dès la phase de candidature, les lieux de construction pour cet événement se trouvent tous dans le nord-est parisien. Ces constructions ne sont pas de simples bâtiments prévus pour accueillir des épreuves de compétition, ce sont de véritables projets urbains, visant à transformer la ville, en en modifiant la structuration urbaine et sociale. Par suite, ce travail interroge les liens entre opposition à cet événement et les dispositifs de concertation mis en place dans le cadre de ces projets de renouvellement urbain.
Pour répondre à cette interrogation, nous nous appuierons sur diverses observations menées dans le cadre de concertation sur les projets des JOP et lors d’événements organisés par des collectifs de lutte contre les Jeux. Des entretiens semi-directifs menés auprès d’acteurs des JOP et de collectifs viennent compléter ces observations.
- L’organisation de compétitions internationales comme catalyseur d’aménagement sportif en Afrique. L’exemple des nouveaux stades du Cameroun
Luc Roger MBALLA, Docteur en STAPS, Chargé d’enseignement, Université d’Orléans
Antoine MARSAC, Maître de Conférences, ACP, Université Gustave Eiffel
Patrick BOUCHET, Professeur des Universités, CREGO, Université de Bourgogne
Cette communication se propose d’explorer les grands stades de football construits entre 2013-2021 dans la ville de Yaoundé, le centre des politiques sportives. L’analyse de données repose sur une dizaine d’entretiens semi-directifs avec des acteurs fédéraux et politiques. Les questions abordées au cours de ces entretiens sont articulées autour des thématiques relatives aux grands stades, elles englobent leur héritage, leur gestion, leur fonction, ainsi que la gouvernance… Cette démarche est enrichie par des séquences photographiques des grands stades. Ces supports visuels analysent les phénomènes sociaux, entre autres : l’accessibilité, les conditions de pratique, les évènements sportifs et extra sportifs, la propagande politique, l’identité nationale et leur impact en tant que marqueur urbain…
- Le phénomène de « localisme » en surf : pratiques, récits et paradoxes d’un conflit d’appropriation territorial. Une contribution à l’étude des territoires de l’éphémère
André SUCHET, Maître de Conférences HDR, Université de Bordeaux, LACES
L’importance du moment d’appropriation sociale et culturelle de l’espace dans le processus de construction d’une structure territoriale est assez connue (Di Méo, 1998, 2016 ; Veschambre, 2004 ; Ripoll & Veschambre, 2006, 2005 ; Vanier, 2009 ; Lajarge, 2012). Dans le domaine des pratiques sportives et du surf en particulier, le travail de Trey (1994) reste fondamental, mais relativement indiscuté depuis sa publication dans l’ouvrage fondateur dirigé par J-P. Augustin : Surf Atlantique. Les territoires de l’éphémère. La multiplication des études à propos de cette activité concerne d’autres thèmes (Guibert, 2007, 2014, 2020 ; Falaix & Favory, 2002 ; Falaix, 2009, 2012 ; Lemarié, 2018). À partir d’une étude réalisée depuis 2015 au bénéfice de différentes rencontres formelles et informelles, d’observations non-participantes, puis d’une série d’entretiens semi-directifs structurés, cette communication restituera quelques éléments d’une approche nécessairement incomplète du phénomène.
- 16h00 – Table ronde
« Sport et géographie au regard du nouveau rendez- vous de l’histoire olympique de 2024 »
Animation : Olivier BESSY,
- Ludovic FALAIX, Maître de Conférences, Université de Bordeaux, Bayonne, LACES
Alex GLYVYNSKYI, Président de l’Association des journalistes sportifs de l’Ukraine
Robin LESNE, Maître de Conférences, Université du Littoral – Côte d’Opale, TVES
Loïc RAVENEL, Chercheur au CIES, Université de Neuchâtel (Suisse)
André SUCHET, Maître de Conférences-HDR, Université de Bordeaux, UR 7437 LACES - 16h45 Conclusion
Christophe GIBOUT, Olivier BESSY & André SUCHET - Clôture
Edith FAGNONI
Professeure, Sorbonne Université, Présidente de l’Association de Géographes Français (AGF)
17h15 : Fin des travaux
9 décembre 2023
Informations numériques géolocalisées et pratiques touristiques
Séance coordonnée par Françoise LUCCHINI, maître de conférences HDR en géographie, Université Rouen Normandie – UMR CNRS IDEES et par Bernard ELISSALDE, Professeur émérite Université Rouen Normandie – UMR CNRS IDEES
Cette journée est consacrée aux possibilités offertes par les données numériques géolocalisées dans les études touristiques, pour évaluer leur capacité à apporter une information d’une plus grande précision spatiale et temporelle, et tester leur potentialité d’analyse en matière de comportements touristiques et de stratégies des acteurs.
Pour le tourisme, comme pour d’autres secteurs d’activités, le tournant digital des sociétés contemporaines et l’essor des bases de données produites par les objets connectés ont apporté un matériau de recherche d’une précision spatiotemporelle inédite. L’accroissement des volumes des données issus d’objets ou de dispositifs connectés et le développement d’outils numériques (sites Internet, entrepôts de données, tableaux de bord, applications web, cartographies connectées, story maps…) sont désormais considérés comme un potentiel d’informations à mobiliser en complément des approches classiques du tourisme.
A cette compréhension augmentée des territorialisations touristiques (touristicité officielle) les outils numériques ajoutent également une touristicité potentielle par l’estimation des intentions de visite ou de la notoriété des sites et lieux de visite, et par l’e-réputation avec les avis et commentaires postés sur les plateformes Google Trend, Tripadvisor ou sur les réseaux sociaux Twitter, Instagram, Facebook…
Plusieurs questionnements seront ouverts à l’occasion de cette journée. Comment croiser des données hétérogènes afin d’obtenir une vision globale des comportements touristiques sur un territoire ? Le raccourcissement de la diffusion de l’information permet-il d’identifier des fluctuations dans les comportements touristiques et de détecter de nouvelles tendances touristiques ? Comment les avis et commentaires postés participent-ils à la notoriété et aux variations de notoriété des sites touristiques ? Avec l’e-réputation d’un territoire a-t-on affaire à une reproduction des décalages classiques entre intention et fréquentation, entre imaginaires et pratiques réelles ?
Cette journée d’études proposera, sans exclusive, d’ouvrir des échanges autour des réflexions sur les apports et les limites des données numériques géolocalisées pour l’analyse du tourisme, et leur contribution à la mise en place d’une intelligence territoriale au service du développement touristique.
PROGRAMME – Séance du 9 décembre 2023
9h45 : Accueil de des participants par Edith Fagnoni, présidente de l’AGF
-Introduction à la thématique de la journée Informations Numériques géolocalisées et pratiques touristiques par Françoise Lucchini
10h00 Sylvain Genevois (université de La Réunion)
titre :Apports et limites des données de téléphonie mobile pour appréhender les pratiques et les dynamiques touristiques.
Résumé :
Par leur précision spatio-temporelle inédite, les données numériques changent assez fondamentalement la manière d’appréhender les territoires de mobilité touristique. La mobilisation de données mobiles passives n’est cependant pas sans poser un certain nombre de questions concernant leur utilisation à des fins d’analyse géographique. Parmi les problèmes rencontrés figurent notamment le degré d’ouverture des données (souvent agrégées avant publication), leur niveau de réutilisabilité et de compatibilité avec d’autres jeux de données, leur univers de signification et leur possible mise en débat à partir de leurs représentations graphiques et/ou cartographiques (de la simple data- ou géo-visualisation à des traitements SIG plus complexes). Ces questions pratiques et théoriques seront abordées à travers l’exemple du tourisme en Espagne et des données massives et évolutives de téléphonie mobile mises à disposition par l’Instituto Nacional de Estadística (INE)
10h30 :Mélanie Mondo (EIREST, U. Paris 1 Panthéon Sorbonne) – Sébastien Jacquot (EIREST, U. Paris 1 Panthéon Sorbonne) – Gael Chareyron (De Vinci Research Center, ESILV) – Nicolas Travers (De Vinci Research Center, ESILV)
titre : La métropolisation touristique au prisme des traces numériques : la métropole européenne de Lille entre enquêtes et observatoire
résumé :
Présentation de la façon dont les traces numériques (TripAdvisor, Instagram, Booking, AirBnB) révèlent un degré de métropolisation touristique, à partir du cas de la Métropole Européenne de Lille. Nous les abordons selon trois perspectives. Tout d’abord, nous considérons la métropolisation en termes de rayonnement, nous amenant à comparer la MEL à plusieurs métropoles touristiques françaises du point de vue de leur visibilité sur les plateformes touristiques (Flickr, Tripadvisor, Hotel.com, Booking), et donc à réfléchir aux périmètres pertinents d’une comparaison (commune-centre, centre dense, agglomération, EPCI). Ensuite, nous étudions la diffusion touristique dans l’espace métropolitain lillois, à partir des lieux les plus photographiés et commentés, et de l’exploitation des données issues du city pass. Enfin, les commentaires laissés sur différents lieux renseignent sur l’expérience touristique de la métropole.
11h00 : Mélanie MONDO, EIREST (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) , Luc VACHER,UMR LIENSs (La Rochelle Université/CNRS), Didier VYE, UMR LIENSs (La Rochelle Université/CNRS)
Titre : Du banal à l’extra-ordinaire : les pratiques touristiques vues par les traces numériques
Résumé
La recherche d’une expérience touristique (Freitas Coelho & al., 2010 ; Decroly, 2015) se distingue par le souhait de vivre des moments extra-ordinaires dans un environnement autre que celui des lieux de l’ordinaire (Knafou et Stock, 2003). Les enquêtes classiquement menées auprès des visiteurs se font généralement l’écho de ces moments forts et des « hauts lieux » (Debarbieux, 2003) de l’expérience touristique. Cependant, il est également intéressant d’identifier la pratique de lieux « hors des sentiers battus » (Gravari-Barbas et Delaplace 2015) et d’interroger la place qu’occupent les moments de pause, d’improvisation ou de détours. Le développement de méthodologies de recueil de traces numériques (ex : traces GPS, publications sur un réseau social) offre la promesse techno-scientifique (Joly, 2010) d’une identification des moments et des lieux ayant une place plus discrète dans le récit, car considérés comme plus banals.
Dans cette présentation nous nous appuyons sur deux études de cas menées dans le cadre du projet DA3T[1]. Premièrement, nous analysons, à travers le cas de Biarritz, les traces récupérées sur le réseau social numérique Instagram que nous confrontons à des observations de terrain. Deuxièmement, à partir du cas de La Rochelle, nous étudions des traces GPS, récoltées grâce à une application ad hoc, puis enrichies grâce à une série d’entretiens semi-directifs auprès des visiteurs utilisant la carte de leurs traces numériques comme support d’élicitation.
11h30 : Victor Piganiol, Université Bordeaux Montaigne
titre : Airbnb ou le partage ambivalent : ouverture des possibilités d’hébergement vs fermeture des données.
L’étude de la répartition de l’offre Airbnb sur un territoire, qu’elle que soit l’échelle retenue, nous apparaît pertinente. À Bordeaux, une analyse spatiale de la distribution des annonces nous permet d’aborder d’une manière différente et quelque peu distanciée, l’accueil de touristes. Même si la géographie dessinée par Airbnb se superpose aux réalités territoriales déjà présentes (centralités historiques et/ou touristiques par exemple) et obéit aux logiques spatiales de l’offre hôtelière. Cependant plusieurs limites majeures émergent. Il n’existe pas de données officielles mises à disposition par l’entreprise, qui pratique une politique opaque de non-partage et s’inscrit dans le mouvement croissant de closed data. Les enjeux économiques et stratégiques dits « supérieurs » empêcheraient la mise en commun des informations. La recherche de données pour quantifier le phénomène Airbnb nécessite alors de multiplier les sources desdites données extérieures à la multinationale. L’étude d’Airbnb, parce que la multinationale s’appuie sur des micro-territorialités et des jeux d’acteurs préexistants à son arrivée, nécessite la mise en place d’enquêtes de terrain auprès des touristes-utilisateurs et des hôtes-utilisateurs et ce, afin de croiser données numériques et pratiques physiques pour s’approcher le plus possible d’une regard objectif et mesuré sur la situation observée.
12h00-14h00: pause déjeuner
14h00 : Ugo PARMENT, Ugeosphère, Françoise LUCCHINI, Université Rouen Normandie – UMR CNRS IDEES
Titre : Identifier un effet croisière par la téléphonie mobile
On explore dans ce travail les nouveaux périmètres spatiotemporels des données de téléphonie mobile fournies par l’opérateur Orange, et la capacité de ces données à identifier une population de visiteurs étrangers en escale en Normandie et enfin à révéler à la fois leurs destinations préférentielles et leurs mouvements depuis le port du Havre lors de leur escale en Normandie.
L’étude des déplacements de ces visiteurs étrangers en escale au Havre s’appuie ainsi sur le graphe de leurs mobilités au cours du temps. La présence et la diffusion dans le territoire de ces visiteurs étrangers se visualise de manière dynamique à l’aide d’applications interactives et d’un entrepôt de données touristiques avec tableau de bord. L’étude menée démontre qu’à l’aide de découpages spatiotemporels sur un jeu de données de téléphonie mobile, il est possible de cibler une population de croisiéristes et d’observer leurs destinations préférentielles (la zone littorale, les points urbanisés du territoire et la vallée de Seine.). Il reste ensuite à croiser ces observations avec d’autres sources complémentaires (statistiques officielles Ministère du Tourisme, Offices du tourisme, INSEE, billetteries, plateformes google trend, réseaux sociaux…) pour améliorer la connaissance du tourisme et des comportements touristiques.
14h30 : Julien Baudry (université du Havre, LITIS)
Titre : L’Intelligence Artificielle, moteur de changement dans les relations entre Tourisme
et Données Numériques
L’industrie du tourisme est en constante évolution, façonnée par les avancées technologiques et la disponibilité croissante de données numériques. Parmi ces avancées, l’intelligence artificielle (IA) se révèle être un puissant levier d’innovation, transformant fondamentalement la manière dont nous planifions, vivons et profitons de nos voyages. Cette présentation à pour objectif de montrer comment l’IA est devenue un élément incontournable du secteur du tourisme, ouvrant de nouvelles
perspectives pour les voyageurs, les entreprises et les destinations touristiques.
15h00 : Boris Mericskay, (université de Rennes, UMR ESO)
Appréhender les pratiques touristiques par les traces (géo)numériques : enjeux méthodologiques et techniques des « nouvelles données »
Résumé :
A l’heure du numérique, la multitude de traces (géo)numériques produites par les individus et les objets connectés offre de multiples perspectives pour saisir et donner à voir des pratiques touristiques avec une granularité et des échelles spatio-temporelles difficilement accessibles avec d’autres méthodes. En théorie, toutes ces « nouvelles données » constituent des marqueurs intéressants à explorer et à mobiliser pour appréhender autrement et objectiver des pratiques au centre d’importants enjeux pour les territoires. Toutefois dans la pratique, l’utilisation de ces ressources informationnelles peut être limitée voir décevante pour les décideurs qui ont tendance à avoir de grandes attentes dans leur capacité à révéler de manière précise et fiable ce qui se passe ou se passera sur leurs territoires.
Cette communication propose une lecture critique et nuancée des potentialités du big data pour interpréter les pratiques touristiques. En s’appuyant sur une analyse fine du paysage et des pratiques du monde opérationnel, elle a comme objectif de présenter le caractère protéiforme des traces (géo)numériques et d’expliciter les grands enjeux techniques et méthodologiques sous-jacents à leur utilisation.
15h30 : Davide Ceccato Université de Lausanne
Statistique du tourisme et le numérique. La Smart Control Room et les yeux numériques de Venise
Les innovations dans le domaine des TIC et la prolifération de l’utilisation des téléphones mobiles, des smartphones et des PC ont permis, entre autres, l’exploitation de nouvelles sources de données, ou de traces, pour l’analyse statistique du tourisme. Venise est l’une des villes les plus touristiques du monde, l’industrie du tourisme est considérée comme un secteur économique clé mais les effets négatifs d’une présence touristique excessive sont aujourd’hui évidents1. Afin d’atténuer les externalités négatives causées par le tourisme, une planification stratégique a été mise en place2, qui a conduit à la création progressive d’un ‘data assemblage’ sous la forme d’une Smart Control Room vers laquelle convergent la plupart des données numériques produites dans la ville. Les données de positionnement mobile, les capteurs de comptage de personnes, les caméras de surveillance et les capteurs de trafic semblent fournir une image détaillée et suffisamment complète pour la gestion des flux touristiques dans le centre historique de la ville.
Une enquête de terrain par entretiens, appuyée sur un cadre théorique associant Critical Data Studies et réflexions sur la datafication du tourisme a été menée pour saisir les problèmes techniques, politiques et sociaux que ce processus pose. Sont interrogés et analysés les acteurs impliqués dans l’observation des flux touristiques (TIC, municipalités, activistes locaux), les nouveaux objets statistiques créés par l’infrastructure numérique, les pratiques et les conditions dans lesquelles ils sont produits, utilisés et communiqués. Ce travail vise à offrir une approche critique des questions posées par la ‘révolution des données numériques’ dans l’analyse du phénomène touristique. Cette proposition est réalisée dans le cadre du projet Overtourism ? Les villes comptent3.
16h00 : Valérian Geffroy
Du mouvement des cartes SIM aux pratiques touristiques : une analyse de Flux Vision Tourisme comme procédure de quantification
Mesurer des flux touristiques à partir de mouvements de cartes SIM ne va pas de soi. Cela implique un certain nombre de procédés techniques et statistiques complexes (triangulation, extrapolation, validation…), mais aussi un travail de définition de catégories d’interprétation des données qui implique une réflexion sur le concept même de mobilité touristique. Ce travail, l’opérateur de téléphonie mobile Orange l’a notamment réalisé en partenariat avec les organisations territoriales du tourisme françaises.
Cette communication propose d’analyser l’élaboration de Flux Vision Tourisme comme une procédure de quantification, au sens de la sociologie de la quantification. On insistera donc sur le processus collaboratif de définition du tourisme à partir des MPD, sur le dialogue entre connaissance technique des données quantitatives et connaissance qualitative des pratiques touristiques. On montrera aussi bien la valeur du produit pour le secteur du tourisme que ses faiblesses, en en pointant les biais et les imprécisions, et en le replaçant au sein du paysage actuel de données quantitatives sur les pratiques touristiques. La communication s’appuiera sur un ensemble de documents méthodologiques produits dans le cadre du partenariat entre Orange Business Services et ADN Tourisme, ainsi que sur une campagne d’entretiens portant sur le système français de quantification du tourisme, réalisée dans le cadre du projet « Overtourism ? Les villes comptent » .
16h30: Conclusions de la journée : Bernard Elissalde (Université de Rouen, UMR IDEES)
16h45 fin des travaux
[1] « Dispositifs d’Analyse des Traces numériques pour la valorisation des Territoires Touristiques ». Projet interdisciplinaire réunissant géographes et informaticiens et financé par la Région Nouvelle-Aquitaine (2018-2023).
14 octobre 2023
Paysages industriels en transition :
adaptations, héritages, banalisations
Séance coordonnée par:
Simon EDELBLUTTE,
Professeur, Université de Lorraine (site de Nancy), Laboratoire LOTERR
et
Edith FAGNONI,
Professeure, Sorbonne Université, Laboratoire Médiations – Sciences des lieux, sciences des liens
En géographie, les activités économiques ont longtemps été principalement étudiées par des approches quantitatives, tant les données, notamment en matière de production, de nombre d’employés, etc. y sont abondantes. Néanmoins ces activités – de l’agriculture au tourisme en passant par l’industrie, la culture, le commerce, l’enseignement, les services en général – construisent des territoires fonctionnels et génèrent des paysages spécifiques qui vont bien au-delà de la simple empreinte du bâtiment abritant l’activité.
Si les paysages de l’agriculture ont bien été au centre des premières géographies à la charnière des XIXe et XXe siècles, les autres activités économiques et, a fortiori, l’industrie alors en pleine croissance, n’ont que peu généré d’études de ce genre. Il a fallu attendre le dernier quart du XXe siècle, avec le développement des géographies sociale et culturelle, des travaux sur les identités, les représentations et perceptions, mais aussi en lien avec le déclin de l’industrie fordiste, pour que, par le biais des héritages et du patrimoine, le paysage industriel commence à intéresser les géographes, les autres disciplines et le grand public. En témoigne l’inscription, sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de paysage culturel vivant de l’industrie et de la mine des paysages de la vallée de la Derwent (2001) ou de ceux la sidérurgie et de la mine à Blaenavon (2000) au Royaume-Uni, ou encore de celui du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (2012) en France.
Cette journée de l’Association de Géographes Français apparaît comme une opportunité de contribuer à actualiser un objet d’étude fondamental en géographie : le paysage. En mettant le paysage industriel au cœur de la réflexion, trois grands axes émanent de cette construction :
– la fabrique « continue » des paysages industriels, entre originalité et banalisation
– les représentations et perceptions des paysages industriels
– la transition, l’adaptation voire la patrimonialisation des paysages industriels hérités.
L’axe 1 permettra de se demander ce qui constitue un paysage industriel, quelles en sont les composantes, pourquoi et comment se forme ce type de paysage, qu’il est impératif de ne pas résumer à des héritages ? En effet, l’industrie fonctionne encore, elle génère toujours des paysages. De plus, la réindustrialisation est une priorité de nombreux gouvernements européens, et la France annonce désormais une réindustrialisation attendue et espérée. Ces « nouveaux » paysages sont certes bien moins spécifiques qu’au temps du « paternalisme » de l’industrie, mais ils existent, marquent les paysages, jusqu’à parfois être spectaculaires (hangar fonctionnaliste géant d’Airbus à Toulouse ; usines design au Danemark ; nouvelles villes-usines chinoises …).
L’axe 2 renvoie à la question de la représentation et de la perception de ces paysages. Phares de la modernité au XIXe siècle (ils sont présents sur les cartes postales et les tableaux, et le paysage industriel occupe progressivement une place dans l’histoire de l’art), et ils apparaissent comme des « verrues » avec la désindustrialisation synonyme de friches, de paysages répulsifs, de non-territoires à la fin du XXe siècle, avant, une fois la phase de deuil passée, de devenir des héritages éventuellement patrimonialisables avec le développement d’une certaine culture industrielle (musique, films, romans, etc.).
L’axe 3 abordera la question des évolutions de ces paysages, entre une adaptation des éléments industriels hérités, reconvertis ou actuels, au sein de paysages urbains ou périurbains de plus en plus génériques et leur patrimonialisation possible, à l’instar d’autres paysages emblématiques (le vignoble champenois par exemple). Cette mise en patrimoine des paysages industriels, déjà effective dans certains cas à l’UNESCO, pose cependant de nombreuses difficultés. En effet, si elle est essentielle au renforcement, voire au développement d’une identité locale forte et génératrice d’attachement au territoire, elle s’effectue sur des territoires vivants où les populations résident et travaillent, dans des usines encore actives et dans d’autres activités qui marquent et font évoluer les paysages. Cet axe permettra de constater que les sélections et les formes de mise en valeur et protection des paysages industriels hérités y sont donc très complexes.
28 janvier 2023 Conférence Paul Claval
Dialogue avec Paul CLAVAL autour de l’approche culturelle
en géographie
Le cours « La construction de l’approche culturelle depuis l’École française de géographie » dispensé par Paul CLAVAL sera suivi d’une présentation et discussion de son ouvrage: « Itinéraires et Rencontres. La découverte de l’altérité », Paris, Sérendip’éditions (2022).
21 janvier 2023
La séance « concours » de janvier 2023 a été consacrée au thème « Populations, peuplement et territoires en France : les multiples interactions des dynamiques spatiales ». Séance coordonnée par Gérard-François DUMONT.
télécharger les différentes présentations:
1. Comprendre chacun des termes de la question:
2.Populations rurales et peuplement en France métropolitaine depuis les années 1990
3.Durabilité, urbanité et transformations sociales dans les opérations d’intérêt national
4.Les villes petites et moyennes le retour du « petit poucet »
5. Peuplement et mobilité dans l’Hexagone périurbain
6. Populations peuplement et territoire le récit scolaire
7.Populations, peuplement et des territoires sous l’angle du développement durable
8. Un cas d’école des imbrications populations, peuplement et territoires: la Nouvelle Calédonie
9. Territoires industriels et post-industriels
10. Conclusion, quelle prospective pour Populations, peuplement et territoires